Les travaux de Freud attirent l’attention de Jung, et ils finissent par se rencontrer en mars 1907 à Vienne, et c’est le début de longs échanges avec Freud. Il se lie d’amitié avec lui et cette amitié féconde va durer sept ans. Pourtant, Jung s’éloigne peu à peu de Freud, car il ne peut accepter sa conception de l’énergie psychique, la libido, limitée à l’impulsion sexuelle. Il raconte très bien sa rupture avec Freud dans son autobiographie :
« C’est surtout l’attitude de Freud vis-à-vis de l’esprit qui me sembla sujette à caution. Chaque fois que l’expression d’une spiritualité se manifestait chez un homme ou dans une œuvre d’art, il soupçonnait et faisait intervenir de la « sexualité refoulée ». (…)
J’ai encore un vif souvenir de Freud me disant : « Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C’est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable. (…) Ce choc frappa au cœur notre amitié. Je savais que je ne pourrais jamais faire mienne cette position. Pour moi, la théorie sexuelle était tout aussi occulte, c’est-à-dire non démontrée, simple hypothèse possible, comme bien d’autres conceptions spéculatives. Une vérité scientifique était pour moi une hypothèse momentanément satisfaisante, mais non un article de foi éternellement valable. » Ma vie, page 177-178.
Cette rupture entre Jung et Freud est très violente pour les deux hommes. Freud avait cru voir en Jung le disciple qui continuerait son œuvre, et Jung avait considéré Freud comme un maître et un véritable ami. Après sa rupture avec Freud en 1913, Jung est seul, totalement désorienté. C’est une des plus grandes crises qu’il va vivre, et la plus longue puisqu’elle durera jusqu’en 1919. Jung sent qu’il doit affronter en lui-même le monde obscur et décide d’accepter la confrontation avec son inconscient. Ce fut le tournant de son destin. C’est à ce moment-là qu’il va commencer à écrire le fameux Livre Rouge, qui a été enfin publié en 2009. Ce livre témoigne de sa véritable descente aux enfers, avant de renaître avec un état d’esprit renouvelé.